Toast à la Patrie - Allocution de Gil Reichen

La célébration fidèle de l’indépendance vaudoise par les libéraux est l’occasion d’un moment d’échange et de convivialité, mais aussi l’opportunité de partager quelques réflexions politiques.

Si dans la période agitée qui a conduit à l’indépendance, les préoccupations des « pères de la patrie » étaient probablement  et prioritairement d’imaginer et de mettre en place les institutions démocratiques du futur canton de Vaud, les élus engagés aujourd’hui et ceux qui le seront demain, sont et seront à l’évidence confrontés à d’autres problématiques, certes moins institutionnelles, mais néanmoins importantes pour l’évolution de notre cadre de vie.

Parmi celles-ci figure notamment la question de savoir comment gérer et maitriser au mieux notre développement et les infrastructures que celui-ci implique.

La défense de nos institutions doit toutefois rester une préoccupation, dans une époque et à un moment où la tentation de ne plus les considérer comme suffisamment démocratiques est malheureusement de mise dans certains milieux, plutôt de gauche, mais aussi du côté d’un parti conservateur avec lequel toutefois, nous faisons alliance pour contrer les ambitions de nos adversaires politiques.

Vous aurez certainement comme moi entendu à maintes reprises l’affirmation que seul le recours direct et quasi systématique à l’avis de la population sur tous les sujets, correspondrait véritablement à une bonne pratique de la démocratie ; cette vision des choses revient à dénier les compétences de nos institutions, pourtant démocratiquement élues par le peuple pour le représenter dans les tâches de gestion de la collectivité.

Cette attitude  a quelque chose de paradoxal, à l’heure où beaucoup de domaines touchant à notre vie en société, sont de plus en plus complexes, difficiles à appréhender, et nécessitent  que les décisions politiques soient prises sur la base d’informations exhaustives, plus aisées à transmettre au sein d’une assemblée d’élus ; ceux-ci peuvent alors approfondir les thèmes traités, débattre des conséquences de leurs décisions, en faire l’appréciation la plus juste possible, jusqu’à l’obtention d’une position majoritaire.

Il ne s’agit pas ici, bien sûr, de contester la pertinence des décisions prises en votation populaire, ou encore de dénigrer l’exercice de nos droits politiques fondamentaux, mais simplement de plaider pour le maintien d’un fonctionnement équilibré entre nos institutions et le recours à nos outils de consultation populaire.

On peut d’ailleurs constater que ceux qui prônent un recours plus systématique à la décision populaire sont aussi fréquemment à l’origine de campagnes médiatiques provocantes ; même si les thèmes abordés et les questions posées sont souvent le reflet de préoccupations réelles de la population, les réponses proposées peuvent être discutables.

Dans ce contexte, il est primordial que nous trouvions le langage clair et pragmatique qui nous permettra de répondre efficacement à ces préoccupations et de faire partager les valeurs qui fondent notre action politique.

Pour en revenir aux enjeux d’aujourd’hui, il paraît évident que la gestion de notre développement territorial occupera une place de choix  dans les politiques publiques de ces prochaines années, cela aux différents échelons, national, cantonal ou communal, de nos institutions.

Les libéraux en sont conscients et plusieurs priorités de notre programme-cadre pour la prochaine législature s’articulent sur cette thématique : transports publics plus performants et entretien du réseau routier, aménagements qualitatifs de l’espace publique, augmentation de l’offre de logements, développement des structures d’accueil de l’enfance et de la jeunesse et renforcement de la sécurité.
Les thématiques de la mobilité et de l’urbanisation sont traitées de manière coordonnées entre les communes dans le cadre du projet d’agglomération Lausanne-Morges.

Si en 1803, la suisse comptait un peu moins de 1.7 millions d’habitants et le canton de Vaud un peu plus de 140'000, les choses ont bien changé depuis, avec les quelques 700'000 habitants du canton et les 7.8 millions de la suisse.

Mais plus que la progression passée, ce sont les dernières prévisions de croissance démographique qui nous conduisent à agir sur le plan politique, puisque le passage du seuil des 800'000 habitants dans le canton se situe vraisemblablement dans une quinzaine d’années, aux environs de 2025-2030.
Si ces perspectives illustrent, d’une certaine manière, le développement économique et l’attractivité de notre canton, elles suscitent également des craintes ; et des voix se font plus fortes aujourd’hui pour tenter de freiner les mesures d’adaptation à cette croissance, au nom du maintien d’une certaine qualité de vie, mais aussi de la préservation de nos paysages.

Sans verser dans la nostalgie du passé, ni céder à l’euphorie d’une croissance démesurée, j’ai la conviction que nous devons relever le défi que ces perspectives statistiques nous imposent, afin de nous y préparer au mieux et trouver les mesures les plus équilibrées.
Il faudra pour cela, veiller à ne pas suivre les yeux fermés les propositions des nombreux experts de l’aménagement du territoire et de la mobilité, mais agir avec bon sens et réalisme, sentir les aspirations et les attentes de notre population, pour se préparer avec intelligence et trouver les meilleures réponses aux défis de cette croissance.

Car ces réponses ont aussi un coût élevé, notamment pour ce qui est du développement des infrastructures de transports publics indispensables ; il appartiendra donc aux futurs élus, de prendre en compte ce paramètre essentiel, afin de déterminer la priorité de chaque projet, en regard de la situation des finances communales et des possibilités d’investir qu’elles permettent.
Dans ce contexte politique qui s’annonce difficile mais passionnant, et comme si cela ne nous suffisait pas, nous aurons encore à vivre une fusion avec nos cousins radicaux, opération dont l’échéance est inéluctable mais qui, aux yeux de nombreux libéraux de notre district, a le naturel d’un papet vaudois en gélules… !

Mais je ne doute pas un seul instant que nous saurons également relever cet autre défi, en collaborant avec finesse, sans sombrer dans une masse centriste informe, mais au contraire, en affirmant bien haut  et avec détermination nos valeurs libérales de liberté, de responsabilité et de solidarité !
A l’heure de s’engager dans les prochaines échéances électorales, chacune et chacun des candidats doit être pleinement conscient de la responsabilité qu’implique son mandat, qu’il soit au niveau communal, cantonal ou national.

Les hommes politiques qui ont fondés ce canton avaient une haute idée de leur charge publique qu’ils considéraient comme une mission qui leur était dévolue en vertu de leur bagage intellectuel.
Sans verser dans un élitisme déplacé et conscients que les mandats politiques concernent également les femmes aujourd’hui, nous pouvons sans doute garder encore à l’esprit ce qu’en disait alors Henri Monod, il y a un peu plus de deux cents ans :

« Il n’est pas douteux en effet que des bonnes ou mauvaises lois, que de leur bonne ou mauvaise exécution dépend l’état heureux ou malheureux d’un pays et de ses habitants, et que c’est au choix des hommes appelés à faire les lois et les exécuter, du premier au dernier grade, que tient en définitive le bonheur ou le malheur d’un peuple. »

Vive le canton de Vaud !